mardi 8 avril 2008

épisode cinq

Etrangement, pour la première fois de cette histoire, une ambiance relativement amicale régnait entre nos deux oubliés. Plus calme que jamais, la plage revêtait ses couleurs crépusculaires. Le bleu et le jaune se mêlaient désormais à l’orange sanguine: le cycle du temps continuait son immuable danse autour d’un vieux chapeau et d’un jeune caramel, dont les couleurs se confondaient maintenant avec le sable. La lune, triste mais toujours fidèle, apparaissait déjà en filigrane, pleurant certainement sur un spectacle vide d’humanité, à moins qu’elle ne rie encore une fois de la bêtise humaine. La date était oubliée. Tout était oublié.
Personne ne vint donc troubler l’étrange spectacle qui s’annonçait, l’aventure incertaine qu’allaient tenter un philosophe et un mou. Le chapeau se mit face au caramel pour lui enseigner l’art du déplacement d’objet avec le vent… Le sage se mit donc à s’agiter, à sautiller étrangement en tournant en rond, entrant dans une transe quasi-chamanique. La bise soufflait… prête à porter les oubliés.
- Alors tu vois tu tournes un peu comme ça, tu te laisses enivrer par ce mouvement, tu tournes, tu tournes, tu tournes…
- Et t’es sûr qu’on survit ? ?
- Arrête, tu me déconcentres ! Donc, tu tournes, tu tournes, et une fois que t’es bien enivré par le mouvement, tu re-concentre ton esprit, tu visualises précisément l’endroit où tu veux aller et tu ne penses qu’à ça…
- Et si je pense à autre chose, genre ma douce sucette par exemple, il se passe quoi ?
- Rien ! Il se passe rien ! Ou alors il se passe que tu restes toujours aussi con et en plus tout seul, vu que je serai parti sans t’attendre si jamais tu fais ça. Il serait temps, mon grand, que tu agites un peu tout ce sucre si tu ne veux pas finir complètement ensablé… On fait un essai si tu veux. Essaie de te déplacer vers ce matelas pourri, il est à dix mètres, même pas…
- T’as rien d’autre comme premier endroit ? Il a vraiment l’air merdique ce matelas…
- Ecoute, vu tes capacités mentales, il faut que tu vises un endroit précis. Et à part du sable, je ne vois rien de bien précis dans un périmètre de dix mètres. Tu es si faible d’esprit que tu ne sais pas distinguer le sable qui est à côté de nous de celui qu’il y a là-bas. Alors comme premier essai on prend le matelas pourri, et sois content d’avoir droit à un essai. En plus la pourriture de ce matelas s’accorde bien avec toi…
- Bon, t’emballe pas non plus… Et tu crois qu’il est vivant ce matelas ?
- Il a pas l’air bien vif en tout cas… Mais les objets les plus pourris sont souvent, comme les hommes, les plus vivants… Bon, c’est pas la question pour le moment, on verra bien une fois arrivés sur place. Regarde bien ce matelas…
-J’y vois pas bien j’suis trop petit… J’peux pas te monter dessus pour mieux voir ?
- Bouge toi! Moi j’pars dans cinq minutes…
Blasé, le chapeau laissa grimper, d’un bond encore une fois surprenant pour sa race, le jeune et peureux caramel. Un caramel se tortillait donc sur un sage, pour mieux visualiser leur lieu d’atterrissage. Cela ne gênait toujours personne, si ce n’est le ciel, dont les couleurs se battaient entre chien et loup. Le caramel, du mieux qu’il pût, s’imprégnait visuellement de ce matelas qui, apparemment, n’attendait rien.

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