lundi 30 mars 2009

Episode soixante

Ils se turent en effet. Le chat n’avait pas parlé durant le discours du chapeau, ce fut pourtant lui qui brisa le silence voué à la réflexion.


- Je sais, moi, comment il faut faire… elle est évidente la solution !!!

- Bien, nous t’écoutons!

- Ca m’étonne qu’aucun de vous deux n’y ait pensé…

- Non, on n’y a pas pensé apparemment, alors, sors nous la ta solution !

- C’est simple: il suffit de la rendre heureuse !

- Ok, je vois ce que c’est. Pour trouver une solution aussi débile ce n’est pas la peine de réfléchir ! Je croyais les chats plus intelligents! Il suffit de la rendre heureuse, bien sûr! Et tu sais comment on fait ? Les chats sont munis de l’option spéciale qui rend les Insoumises heureuses ? On en apprend tous les jours !

- Je fais fi de tes remarques désobligeantes, mais il suffirait de lui demander…

- De lui demander quoi ?

- Ah, tu vois que j’ai réfléchi. Il faut lui demander ce qui la rendrait heureuse!

- Ce qui la rendrait heureuse ! Tu veux demander à une dépressive, à une femme au fin fond du gouffre ce qui la rendrait heureuse ! Mais rien ne la rendrait heureuse ! Rien, vous l’avez bien vu: elle a tout perdu… Elle nous le disait tout à l’heure! Comment voulez-vous rendre heureux quelqu’un qui ne veut plus l’être ?

- Je suis sûr que tu noircis le tableau. L’homme a cette capacité de toujours espérer quelque chose, même quand il est au fin fond du fin fond, sinon il se tue…

- Mais elle n’est plus humaine, elle nous l’a dit, vous le voyez bien ! Elle n’en a rien à faire des derniers hommes. Elle en veut trop aux autres pour avoir envie de sauver les derniers. Elle ne veut plus être heureuse. Elle ne peut plus.

- Non, mais qu’est-ce qu’il t’arrive, à toi qui est toujours le premier à croire, toi qui nous a lancé tous les deux dans cette aventure ?

- Eh bien je ne crois plus grand’chose. De la voir, comme ça, je ne m’y attendais pas. Elle a vraiment changé…

- Il a raison, le chat: il doit bien rester quelque chose qui puisse la rendre heureuse, lui redonner la force… Toi qui connais si bien les humains, tu sais bien ce qui les rend heureux !

- Evidemment que je le sais ! Sauf que, je vous le rappelle pour la énième fois, elle ne se sent plus humaine… Revenir en arrière la rendrait heureuse, qu’elle revoit son fiancé vivant, qu’elle re-goûte à la vie qu’elle avait avant, ça la rendrait heureuse ! Les objets disposent, à l’insu des humains, d’un éventail de pouvoirs assez large, mais je doute, mes amis, que nous ayons la capacité de remonter le temps, faut pas rêver non plus…

mardi 10 mars 2009

Episode cinquante-neuf

Le chapeau, dans un élan de supériorité, bondit sur un livre qui traînait à côté de la colonne. Il s’agissait par un heureux hasard, du Meilleur des mondes, d’Aldous Huxley. Il trônait donc, comme un chef misérable qui prépare ses troupes pour une ultime bataille, sachant au fond de lui que rien n’est gagné, que tout est presque perdu. Le chat s’assit à côté avec toute la classe de sa race disparue. Ils entendaient l’Insoumise respirer doucement, en rythme avec les vagues de l’extérieur. Peut-être le premier vrai sommeil depuis longtemps.

- Bon, il faut qu’on se concentre tous! Les objets n’ont pas acquis une âme pour rester impuissants face à la décadence des hommes. Il y a bien une solution, c’est obligé! Elle doit retrouver ses forces par un moyen ou un autre. Réfléchissons. Creusons nos esprits… Elle était si forte avant, si vous saviez!
- Justement, comment elle faisait pour être si forte ?
- Rien… enfin, rien de plus que d’autres humains. Elle… Elle était heureuse, tout simplement. Je crois que sa force vient en partie de ça. Son bonheur… son bonheur que ces bâtards ont saccagé, au nom d’un monde plus parfait. Je les tuerais si je pouvais !
- Tu divagues… Tu crois donc que sa force ne provenait que de ce bonheur ?
- Pas complètement. Cette force, elle l’a en elle, elle est latente. Mais elle est tellement malheureuse, tellement sans espoir aujourd’hui, j’ai bien peur que cette force soit trop enfouie pour ressortir.
- Mais c’était quoi, cette force finalement ?
- Je te l’ai déjà dit ! Comme tu l’as vu, elle parle aux objets, alors que peu d’humains le font, enfin le faisaient, je ne sais plus trop. Ca elle sait encore le faire à peu près. Mais avant… avant… elle pouvait faire bouger n’importe quel objet à distance, du plus minuscule au plus lourd… D’un regard, d’une lueur de génie elle savait les faire bouger ! En leur parlant mentalement. Doucement. Avec des mots que les objets ont envie d’entendre. Elle savait ces mots. Et les objets bougeaient selon ses désirs, jamais soumis, toujours amoureux d’elle. Quelle puissance mes amis, quelle puissance !!! De ma vie de chapeau je n’ai vu personne faire ça aussi facilement…
- C’est bien beau, c’est sûr. Mais pour l’instant elle fait pas bouger grand’chose, ta magicienne, elle fait plus rien bouger du tout, à peine sa carcasse!
- J’aimerais bien t’y voir, à sa place !
- Je ne peux pas y être à sa place, je n’y serai jamais, ce n’est pas le problème… Le problème, c’est qu’on devait trouver une magicienne super puissante et qu’on retrouve à la place une femme diminuée qui lit, qui descend de son phare le soir pour crier son désespoir, en sachant pertinemment que ces cris n’atteindront plus d’oreilles humaines… Voilà où on en est !
- Que faire ? Je ne trouve aucune solution, aucune. Taisons nous, recueillons nous, réfléchissons…

jeudi 5 mars 2009

Episode cinquante-huit

Le chapeau, dans un élan de supériorité, bondit sur un livre qui traînait à côté de la colonne. Il s’agissait par un heureux hasard, du Meilleur des mondes, d’Aldous Huxley. Il trônait donc, comme un chef misérable qui prépare ses troupes pour une ultime bataille, sachant au fond de lui que rien n’est gagné, que tout est presque perdu. Le chat s’assit à côté avec toute la classe de sa race disparue. Ils entendaient l’Insoumise respirer doucement, en rythme avec les vagues de l’extérieur. Peut-être le premier vrai sommeil depuis longtemps.

- Bon, il faut qu’on se concentre tous! Les objets n’ont pas acquis une âme pour rester impuissants face à la décadence des hommes. Il y a bien une solution, c’est obligé… Elle doit retrouver ses forces par un moyen ou un autre. Réfléchissons. Creusons nos esprits… Elle était si forte avant, si vous saviez!
- Justement, comment elle faisait pour être si forte ?
- Rien… enfin, rien de plus que d’autres humains… Elle… Elle était heureuse, tout simplement. Je crois que sa force vient en partie de ça. Son bonheur… son bonheur que ces bâtards ont saccagé, au nom d’un monde plus parfait. Je les tuerais si je pouvais !
- Tu divagues… Tu crois donc que sa force ne provenait que de ce bonheur ?
- Pas complètement… Cette force, elle l’a en elle, elle est latente. Mais elle est tellement malheureuse, tellement sans espoir aujourd’hui, j’ai bien peur que ce soit trop enfoui pour ressortir.
- Mais c’était quoi, cette force finalement ?
- Je te l’ai déjà dit ! Comme tu l’as vu, elle parle aux objets, alors que peu d’humains le font, enfin le faisaient, je ne sais plus trop. Ca elle sait encore le faire à peu près. Mais avant… avant… elle pouvait faire bouger n’importe quel objet à distance, du plus minuscule au plus lourd… D’un regard, d’une lueur de génie elle savait les faire bouger ! En leur parlant mentalement. Doucement. Avec des mots que les objets ont envie d’entendre. Elle savait ces mots. Et les objets bougeaient selon ses désirs, jamais soumis, toujours amoureux d’elle. Quelle puissance mes amis, quelle puissance !!! De ma vie de chapeau je n’ai vu personne faire ça aussi facilement…
- C’est bien beau, c’est sûr. Mais pour l’instant elle fait pas bouger grand’chose, ta magicienne, elle fait plus rien bouger du tout, à peine sa carcasse.
- J’aimerais bien t’y voir, à sa place !
- Je ne peux pas y être à sa place, je n’y serai jamais, ce n’est pas le problème… Le problème, c’est qu’on devait trouver une magicienne super puissante et qu’on retrouve à la place une femme diminuée, qui lit, qui descend de son phare le soir pour crier son désespoir, en sachant pertinemment que ces cris n’atteindront plus d’oreilles humaines… Voilà où on en est !
Que faire ? Je ne trouve aucune solution, aucune. Taisons nous, recueillons nous, réfléchissons. A nous trois on va bien trouver quelque chose…