jeudi 26 février 2009

Episode cinquante-sept

Le chapeau ne put s’empêcher de murmurer…

- Elle est encore plus belle quand elle dort– on dirait un ange. Je sens qu’elle a encore ses pouvoirs, c’est juste qu’elle n’y croit plus. C’est à nous de lui redonner ses forces. Nous n’avons pas fait tout ce chemin pour rien, je refuse de le croire!

- Elle n’a pas l’air au meilleur de sa forme. Tu devrais peut-être admettre que tes espoirs s’effondrent…

- Ah! merci bien! Ca remonte bien le moral ça ! Ce n’est pas avec une telle équipe que Virtua-world va s’effondrer… Mon Dieu, mais qu’ai-je fait pour entendre ça ? C’est sûr que je n’aurais pas du attendre un courage à toute épreuve de la part d’un caramel mou. Encore une fois, tes paroles ne nous font pas avancer, elles ne servent à rien!

- Et les tiennes, tu crois qu’elles nous font avancer peut-être ? Ah, ça, pour les grands discours, pour les belles promesses, là y a du monde !!! Mais quand il s’agit de trouver une solution concrète, paf ! Tu remets tout sur le dos des autres!

- Non, mais… entendez moi ça ! Je rêve ! Je te rappelle que sans moi tu ne saurais même pas que tu peux te déplacer comme nous l’avons fait jusqu’à présent! Voilà comment tu me remercies, moi qui t'aies tout appris !?

- Oh là… du calme… vous êtes infernaux tous les deux. Elle nous a dit qu’elle devait dormir, si vous vous engueulez sans arrêt ça risque d’être difficile pour elle !

- Oh, toi le chat, on t’a rien demandé… T’avais qu’à rester dans tes rochers après tout, nous n’avions pas besoin de toi!

- Psstt… Psstt… S’il vous plaît, vous ne pourriez pas la fermer ? Pour une fois qu’elle a l’air de dormir sereinement, ce serait trop con de gâcher ça…

- Ah, voilà qu’il se réveille, lui ! Comme si on avait besoin de toi ! Tu ne vois pas que c’est assez compliqué comme ça ?

- Je vois surtout que vous allez la réveiller si vous continuez ainsi, et elle risque de ne pas apprécier! Le sommeil est l’une des dernières choses précieuses pour elle. C’est rare qu’elle dorme aussi bien, c’est peut-être grâce à vous…

- Ah, tu vois, tu dis n’importe quoi, tu disais il y a cinq minutes qu’elle allait se réveiller à cause de nous, maintenant tu racontes qu’elle dort grâce à nous !

- Il y a bien longtemps que je n’avais pas vu de caramel, j’avais oublié votre fâcheuse tendance à avoir réponse à tout. C’est vraiment pénible.

- Bon, bon… on se calme, le matelas a raison, nous allons finir par la réveiller. Eloignons nous un peu, on va discuter tranquillement. La pauvre… Je crois qu’elle a vraiment besoin de sommeil, mais ça ne suffira pas à lui redonner des forces. On va se mettre derrière les livres, elle nous entendra moins…


Le chat marcha, le chapeau plana, et le caramel bondit…L’étrange petite troupe se déplaça jusqu’à la colonne de livres.


S’il y avait eu un spectateur, il aurait pensé que se tenait là une réunion secrète sur l’avenir du monde, et il n’aurait finalement pas eu tort.

mardi 10 février 2009

Episode cinquante-six

- Eh bien, c’est bien la première fois qu’autant de monde vient me rendre visite ici ! J’attendais vaguement: bien au fond de mon désespoir je me disais que quelqu’un allait finir par venir. Je dois vous avouer que, malgré mon état dépressif, je ne m’attendais pas à vous! Avec tout le respect que je vous dois, je vois mal ce que peuvent faire pour moi un chapeau, un caramel et un chat. Vous êtes gentils, héroïques même, d’être venus jusqu’à moi. Mais je crains que votre aventure s’arrête ici, je n’ai plus autant d’espoir que vous…
- Comment ça ? Non, non, non, l’aventure ne s’arrête pas, elle commence à peine !!! Tu ne crois quand même pas qu’on est venu ici pour te regarder décrépir ! On va se débrouiller… On va bien finir par trouver une solution… Sinon, nous aurions mieux fait de rester sur la plage !!!
- Je pense qu’en effet vous auriez mieux fait de ne pas venir…
- Tu ne peux pas dire ça !!! C’est parce que tu déprimes. On est là maintenant, on ne va pas t’abandonner! Tu découvriras ainsi que les objets valent parfois mieux que les humains. Tu verras… On est capable de choses que vous n’imaginez même pas… Tu n’es pas faite pour mourir dans un phare!
- Personne n’est fait pour vivre ce que j’ai vécu, personne n’est fait pour mourir dans un phare! Tes paroles sont bien réconfortantes mais elles ne servent à rien, peut-être juste à me faire déprimer encore plus, à me rendre compte de mon statut dérisoire. Je suis fatiguée, mes amis… Je crois que je vais m’endormir. Nous re-discuterons de tout cela à mon réveil. Il y a bien longtemps que je n’avais pas parlé autant…

L’ambiance était de plomb. L’espoir du chapeau était désespérant, ses paroles résonnaient comme des promesses vaines. Jamais un objet n’y avait autant cru, peu d’humains avaient fait preuve d’une aussi folle espérance.
L’Insoumise avait bien changé, il ne pouvait que se rendre à l’évidence. Il resta silencieux. Les autres n’osaient rien dire. Le tapis, insensible à ce qui se passait, se rendormit. Le cœur de la nuit palpitait dans ce phare; le chapeau, le caramel et le chat contemplèrent avec amertume l’Insoumise s’assoupir.

lundi 2 février 2009

Episode cinquante-cinq

- J’ai vu qu’elle remontait, je me demandais si ça allait pour vous. Surtout après le bond que vous avez fait… impressionnant, les gars! Bon, vous en êtes où?
- Comme tu peux le voir, on a survécu au bond. Nous ça va pas mal… C’est plutôt pour elle que c’est pas terrible!
- Ah, ça, j’vous l’avais bien dit! je l’observe depuis un moment…

La voix de Cléophée se fit de nouveau entendre, un peu moins faible qu’avant.

- Je peux savoir ce que fout un chat dans mon phare ? Les virtua-cops ne montent-ils plus la garde?
- Enchanté, chère dame, je me présente : Le chat… Je peux m’appeler ainsi car tous ceux de ma race ont disparu, comme sont en train de le faire les tiens.
- Ce ne sont plus les miens… Je n’appartiens plus au genre humain!
- Tu ne peux pas renier ta race, quoique t’en penses. Moi aussi j’ai eu la haine contre les miens, de m’avoir abandonné comme ça. Mais au bout d’un moment, t’es bien obligé de te rendre à l’évidence, la nature prend forcément le dessus… Tu es humaine, ma chère, même ta mort n’y changerait rien!
- Tu les appelles humains, toi, tous ces hommes qui se sont perdus ? Ces robots pires que des moutons ? Je n’appelle pas ça des hommes…
- Ah, j’ai connu ça moi aussi! Le désespoir, la désillusion…
- Qu’est-ce que t’y connais? Tu ne n’endureras jamais l’horreur que j’ai vécue… Que fais-tu ici ?

La voix de l’Insoumise devenait plus violente. Elle avait bien changé.
- Je suis juste venu voir ces deux, là. Je me cache des virtua-cops: voilà à quoi se résume ma vie…
- Ils ne t’ont pas éliminé ???
- Eh bien non! Je pourrais te renvoyer la question…
- Je suis humaine, comme tu l’as si bien précisé il y a peu… Et on ne tue pas les humains dans Virtua-world… on les transforme juste en robots, ou on les enferme dans un phare jusqu’à ce qu’ils deviennent complètement fous. Mais les animaux… je croyais qu’ils vous avaient tous éliminés!
- Jusqu’à ce que je me rende compte que je leur avais échappé, moi-même j’ai eu du mal à le croire… Ils ne sont pas infaillibles tu sais! Pour l’instant en tout cas, ça viendra peut-être un jour… Mais, si ça peut te rassurer, je suis le seul à avoir survécu. J’ai essayé d’appeler mes semblables par tous les moyens, j’ai rôdé toutes les nuits, je n’ai trouvé que des cadavres de chats, mais aucun cousin éloigné qui aurait survécu… rien… pas un chat, pas un chien (à part ceux des virtua-cops). J’aurais bien aimé pourtant… je trouve un poisson mort de temps en temps… puis j’ai trouvé le chapeau et le caramel que tu vois là. Le chapeau semblait te connaître. Je les ai amenés jusqu’ici, je n’avais pas grand’chose à faire de plus. Tu me fais peur, jolie fille, je ne me risquerai pas à te faire du mal! Je tiens encore un peu à ma drôle de vie, aussi étrange que cela te paraisse…