mardi 30 décembre 2008

Episode quarante-neuf

Ils restèrent longuement sans bouger, juste à observer le fameux espoir qui se tenait sur son lit de fortune. Le caramel était choqué par son apparence famélique; il n’avait jamais vu un humain aussi maigre, aussi pâle. Il n’osait pas le dire mais elle lui faisait peur: il avait l’impression qu’elle était déjà morte. Le chapeau se rendait compte lui aussi de l’ampleur du désastre. Le chat et le tapis ne leur avaient pas mentis: l’Insoumise avait l’air complètement éteinte, ou folle.

Mais ils n’avaient pas fait tout ce chemin pour rien, il était trop tard pour ne rien tenter.
Alors, après une phase d’observation -qui s’apparentait plus à de la contemplation de la part du chapeau, ce dernier décida de s’avancer dans le champ de vision de l’Insoumise, au risque de la choquer.

Il bondit donc au milieu de la pièce, à la grande surprise du caramel, qui sursauta. L’Insoumise, elle, ne broncha pas et sembla ne rien remarquer, ce qui fendit le cœur du chapeau. Elle poussa juste un long soupir avant de s'allonger lentement. Le chapeau ne se laissa pas déstabiliser par cette indifférence et s’avança jusqu’à cette dernière humaine, qui commençait à fermer les yeux.
Il l’effleura de sa paille. Elle referma aussitôt sa main sur son bord, avec les maigres forces qui lui restaient. Sa voix n’était qu’un murmure rauque, avec des restes d’une jolie voix tout de même.

- Un chapeau… Ca y est, je commence à me taper des hallucinations!!! Ca ne s'arrange pas! Salut chapeau! Je te touche, pourtant, tu parais bien réel…

Le chapeau resta sans voix. Elle le tenait dans ses mains. Enfin! Quel bonheur, quelles jolies mains!
Le caramel, un peu moins effrayé, décida lui aussi de bouger jusqu’à elle.
L’Insoumise, ou Lacrima, ou Hystéria, comprit alors qu’elle n’hallucinait pas. Elle savait que les objets pouvaient bouger et que ces deux-là n’étaient pas le fruit de son imagination détraquée.

mardi 23 décembre 2008

Episode quarante-huit

- Enfin, elle dort, faut l’dire vite! Elle cauchemarde apparemment. Déjà elle met des heures à s’endormir et même pendant son sommeil, elle bouge, marmonne, crie même parfois sans se réveiller. J’ai mis du temps à retrouver mon sommeil moi!

- Elle dort sur toi tous les soirs et tu ne penses qu’à dormir!

- Ben, j’vois pas où est le problème… Qu’est-ce que tu lui veux, à cette fille?

- Mmmmmh… C’est bien long et compliqué à t’expliquer. On veut… On veut l’aider, c’est tout!

- … L’aider. Si c’est pour l’aider à dormir, moi j’veux bien!

- Bon, laisse tomber. On veut l’aider à aller mieux. Alors, si tu peux nous informer un tant soit peu, ce serait bien!

- Ouh-là, tu tiens des discours bien compliqués, ça m’étonne pas que tu sois un chapeau. J’peux juste vous dire que c’est la personne la plus désespérée que j’ai jamais vue. Et logiquement elle ne devrait pas tarder à remonter, j’entends déjà des pas…


Ils interrompirent aussi sec la conversation. Des pas se faisaient effectivement entendre. Le chapeau se rapprocha de la pile de livres, le caramel collé derrière lui. Les pas rythmaient d’interminables secondes, ralentissant au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient. Des pas qui portaient tout le poids de l'humanité, trop lourd pour une seule personne.

Le chapeau tremblait de toute sa paille lorsqu’il entendit la poignée de la porte.


Une fille grande, maigre, amorphe, entra dans la pièce et posa un triste regard sur sa triste couche. De fins cheveux blancs lui arrivaient aux fesses, recouvrant la moitié d’une chemise crasseuse, qui avait du être blanche. Elle referma la porte, et ce squelette ambulant alla s’asseoir sur le tapis poussiéreux. Le chapeau et le caramel avaient devant les yeux l’illustration parfaite du désespoir humain.

Elle était tellement habituée à cette pièce sordide qu’elle n’avait même pas remarqué la présence des deux intrus. Le chapeau en fut vexé mais se délesta aussitôt de son amour propre face à autant de détresse.

mardi 16 décembre 2008

Episode quarante-sept

- Moi aussi j’aurais aimé être un livre…
- Oui, bon, ça ne sert à rien de vouloir être quelque chose qu’on ne sera jamais, ça n’a jamais fait avancer personne! Alors tu prends ta putain d’âme, tu fais comme tu peux pour t’en servir, tu n’as pas le choix!

Cette dernière réplique instaura un respectueux silence. Cependant les deux aventuriers avaient réveillé un objet bien poussiéreux, qui jusque là s’était tu en les écoutant disserter.

Le caramel était posé tranquillement dessus et sursauta lorsque le tapis se mit à frémir et à parler – d’une voix particulièrement poussiéreuse d’ailleurs –

- Vous jacassez beaucoup! Si je n’avais pas vu d’objet nouveau depuis une éternité, je ne me serais pas réveillé… Mais qu’est-ce que vous foutez ici? Comment êtes-vous arrivés???

Le caramel se précipita d’un bond pour aller se réfugier aux côtés du chapeau et fut encore impressionné par son sang froid, sa sagesse.

- Excuse nous. Nous venons… le caramel, que tu aperçois derrière moi, m’a fait bondir jusqu’ici.
- C’est ça! Vous n'allez pas me faire gober que ce petit caramel a bondi jusqu’ici! Un tapis, je veux bien, mais un caramel et un chapeau!
- C’est moi qui ai bondi! Je peux te faire une démonstration si tu veux… Même qu’on est venus du sable en bondissant!
- Soit! Vous avez bondi jusqu’ici. Le problème, c’est que je vois pas ce que vous venez faire…
- Ben, justement, c’est l’Insoumise, tu…
- Tais toi, caramel, laisse moi parler, tu es fatigué!
- Peut-être mais je bondis comme personne! Mais vas-y, raconte la ton histoire, tu fais ça mieux que moi.
- C’est quoi, cette histoire de chemise?
- Insoumise, tapis… IN-SOU-MISE!
- Késako??? Y a pas d’insoumise ici!
- La fille, celle qui habite ici…
- Lacrima???
- Lacrima??? Mais qu’est-ce que tu racontes???
- Enfin, moi je l’appelle Lacrima:elle n’arrête pas de pleurer! Parfois je l’appelle Hystéria aussi… Mais vous, vous l’appelez l’Insoumise, c’est ça?
- Euh oui, enfin, je pense… Tu n’as jamais entendu parler des Insoumis?
- Il va bien, lui! Les Insoumis! Je suis à l’abandon depuis des années, j’me suis retrouvé là, un matin, avec cette fille qui dort sur moi tous les soirs… Sinon, j’dormais depuis un long moment…
- Tu… Tu veux dire que tu n’as pas entendu parler de Virtua-world???
- Ah, ça, ça me dit quelque chose… Je crois que c’est au début de Virtua-world que je m’étais endormi. J’me suis réveillé une première fois quand ils m’ont amené ici et j’me suis rendormi au bout d’un moment. Entre une fille à moitié folle et des bouquins pour me tenir compagnie, je crois que je n’avais pas mieux à faire.
- Mon dieu… elle dort sur toi tous les soirs!

mardi 2 décembre 2008

épisode quarante-six

- Tu veux dire qu’ils ne peuvent pas se déplacer comme nous ??? Enfin, ils pourraient mais ils n’en ont pas besoin ? Les pages noircies suffisent à les faire vivre, je ne comprends pas trop. Un livre de pages blanches serait comme nous, alors qu’un livre écrit par un humain n’aurait pas la même nature ???
- Voilà, c’est ça ! Exactement… Si l’homme laisse une quelconque empreinte artistique sur un objet, que ce dernier soit dessiné, écrit, sculpté en réponse à l’essence ou à la souffrance de l’homme, ça lui suffit: il n’a pas besoin d’exister, de bouger autrement. Sa nature artistique suffit… Mais c’est encore plus complexe car tout objet, même le plus utile, peut être fabriqué par une volonté artistique. Si une chaise est fabriquée comme l’écho d’une souffrance humaine, elle en devient une œuvre d’art… De même que le livre ou le tableau qui est fait selon une démarche non artistique –ce qui est souvent arrivé ces derniers temps – eh bien celui-ci a la même nature que nous, il peut bouger, communiquer, il a une âme indépendante…
- Tu veux dire que celui ou celle qui m’a crée n’avait pas une démarche artistique ???
- Et non, mon gars ! Comme moi d’ailleurs… Comme la plupart des objets utiles. Nous sommes crées pour être consommés puis, un jour ou l’autre, jetés. D’autres chapeaux et d’autres caramels ont pu être de véritables œuvres d’art. Mais je te parle d’un temps que tu ne peux connaître… Tu ne peux pas savoir la jalousie que j’ai éprouvée envers ces livres lorsque je les lisais par-dessus l’épaule de mon propriétaire ! J’aurais donné n’importe quoi, j’aurais fait l’impossible pour être une œuvre d’art. Malheureusement je n’ai jamais pu!

Le chapeau poussa alors un profond soupir, différent mais aussi désespéré que peut l’être celui d’un humain. Le caramel ingurgitait encore une révélation brutale: il n’était pas une œuvre d’art.

jeudi 20 novembre 2008

épisode quarante-cinq

Des hurlements de rage s’enchainèrent, des pleurs semblaient s’y mêler. Ce chant dura un long moment puis ils n’entendirent que de lointains sanglots, avant le silence total.

Les aventuriers restèrent un instant choqués: ils n’avaient pas entendu de voix humaines depuis quelques temps déjà et celle-ci était particulièrement déchirante.

- Mon dieu ! Dans quel état ils l’ont mise… j’espère qu’on pourra faire quelque chose pour elle, j’ai comme un doute. On ne l’a pas encore vue, mais sa voix ne laisse pas présager une grande forme.

- On y arrivera, c’est obligé… Ecoute !


Elle pleurait encore, ces pleurs s’apparentaient désormais plus à du désespoir qu’à de la rage.

Le chapeau et le caramel ne bougeaient plus. Le caramel comprenait un peu plus l’ampleur de l’horreur qu’avait subi cette fille, sans comprendre les mots, la voix suffisait. Il était fatigué et n’avait plus du tout le cœur à se moquer du chapeau. Ce dernier retourna néanmoins à son inspection de bibliothécaire, histoire de se changer les idées, son cœur (aussi improbable que cela puisse paraitre pour un objet) était lourd.

- Ah ! Le journal d’Etty Hillesum, bien moins connu que celui d’Anne Frank… C’est une lecture idéale lorsqu’on n’a plus d’espoir. Cette femme est un exemple de courage. Tous les humains devraient le lire : elle a choisi d’être déportée, alors que certains de ses amis lui avaient proposé de la sauver de là… Elle a choisi d’aller vers l’horreur, pour ne pas être privilégiée par rapport à d’autres juifs: un phénomène ! Qui aurait aujourd’hui le courage de faire ça ? Je te le demande !

- Ben dis donc… Elle a pas des lectures super joyeuses ton Insoumise.

- Qu’est-ce que tu croyais ? Qu’elle aurait des recueils de blagues pour s’éclater dans son phare ??? Elle est bien plus spirituelle que ça !

- Oh, ça va, j’ai rien dit… J’ai l’impression que, de toute façon, ton Insoumise n’a aucun défaut à tes yeux, sauf celui d’être prisonnière !

- Elle est parfaite, en effet… Elle l’était en tout cas. J’espère qu’il lui reste une petite flamme… juste une toute petite.

- Elle serait déjà morte si ce n’était pas le cas…

- Ne parle pas de malheur !

- Dis moi, chapeau, toi qui sembles en connaitre un rayon sur la vie des objets, les livres ont-ils une âme, comme nous ?

- Ah! Voilà une bonne question! Les livres ont-ils une âme… Bien sûr!

- Pourquoi ne réagissent ils pas à notre visite ??? Ce sont des objets après tout…

- Oui, mais pour les livres c’est différent de nous. Comment dire… Ils ont une âme, vois-tu, mais cette âme est celle de l’homme ou de la femme qui a écrit le livre. C’est compliqué… L’âme de l’auteur reste éternellement gravée sur leurs pages, ils n’ont pas besoin d’autre chose. Ils sont à la limite entre les objets et les humains… Ils ne vont pas communiquer comme nous le faisons, ils n’en ont pas besoin. L’âme de l’auteur leur suffit…

vendredi 14 novembre 2008

épisode quarante-quatre

La curiosité intellectuelle du chapeau le poussa à s’approcher de ces tristes vestiges de la vie littéraire.

- Voyons voir, quel genre de livres a saccagé mon Insoumise ??? Tiens, tiens, De brevitate vitae, enfin, De la brièveté de la vie, de Sénèque, je le connais ! C’est étrange qu’elle ait déchiré ce bouquin. Tu connais ?
- Bien sûr ! Je te signale que je suis un caramel, au cas où t’aurais pas remarqué. Je ne connais donc aucun bouquin, pas la peine de jouer les intellos !
- Il n’est jamais trop tard pour s’y mettre. Sénèque était un philosophe…
- J’ai le cerveau en sucre mais vu le titre je m’en serais douté !
- Il était stoïcien et se moquait des futilités de la vie qui bouffent le temps des humains… Il se moque des humains qui se croient immortels et qui perdent leur bien le plus précieux –le temps- à tort et à travers, c’est terrible…
- Non, mais j’y crois pas… Tu m’fais un cours de philo ?
- Oh, ça va ! Je t’éclaire comme je peux. Voyons voir… Tiens, celui-là je l’adore… Les noces, d’Albert Camus. Il est tout déchiqueté lui aussi… Mon dieu, pourquoi a-t-elle déchiré ces livres ???
- On a qu’à regarder ceux qu’elle n’a pas déchirés, ce serait aussi intéressant, non ?
- Tu as raison. Allons voir là-bas…

Ils effectuèrent un bond en simultané et se retrouvèrent devant une impressionnante colonne de vieux livres qui n’étaient pas déchiquetés. Cette colonne mesurait plus d’un mètre, ils ne purent voir que les livres d’en bas.

- Ah ! J’étais sûr qu’elle l’avait, celui-là… Le dernier jour d’un condamné, de Victor Hugo. Sur la peine de mort, il est génial. Pas étonnant qu’elle ne l’ait pas déchiré.

Le caramel retourna sur le tapis poussiéreux pour se reposer. Le chapeau continuait de regarder les livres en marmonnant leurs titres ou différents commentaires, puisqu’il les connaissait tous… Le caramel commençait à somnoler.
Une mélopée lointaine se fit entendre, le caramel sursauta…

- Punaise, t’as entendu ???
- Mmmhhh ??? Qu’est-ce que tu dis ?
- T’as pas entendu? Là, on dirait un chant… Ca recommence ! Ecoute !

Le chapeau entendit à son tour. La voix, féminine, semblait lointaine et répétait des sons indistincts sur un rythme lent.

- On dirait une prière… Mon dieu, ça doit être elle !
- Ben ça, c’est sûr, y a personne aux alentours. Je vois mal les virtua-cops entonner des prières…
- Ccchhhhhhhhhttttt… Tais-toi ! Ca continue…

Le chapeau était en transe, le caramel ne pouvait que se taire. La voix et le rythme s’intensifiaient, le chant devenait inquiétant, il se transformait en cri.

lundi 10 novembre 2008

épisode quarante-trois

- Je crois qu’elle vient de partir !!! Il n’y a personne… J’ai entendu la porte !!!

Le caramel s’approcha doucement et observa à son tour l’antre de l’Insoumise. Malgré l’obscurité et la panique qui régnaient, il constata lui aussi l’absence de l’ancienne humaine. Le chapeau ne cacha pas sa déception.

- On aurait mieux fait de ne pas écouter ce chat. Elle vient de descendre, on a fait ce bond pour rien…

- Punaise, j’te l’avais dit que ce chat n’était pas fiable !

- Bah, peut-être qu’elle est descendue plus tôt que d’habitude… C’est quand même bien qu’on ait réussi à monter jusqu’ici !

- Qu’est-ce qu’on fait ? Je ne me sens pas la force de redescendre…

- Ce n’est pas plus mal qu’elle ne soit pas encore là : on va pouvoir visiter un peu. Elle finira bien par remonter… peut-être qu’on l’aurait effrayée en entrant comme ça, par surprise. Allez, sautons à l’intérieur, je veux découvrir dans quoi elle vit !

- Pfff… Ok, on saute. Mais, pour ma part, je vais me trouver un coin tranquille à l’intérieur et me reposer.

- Bien sûr, je vais inspecter les lieux avant qu’elle revienne…

Le chapeau bondit à l’intérieur et se retrouva sur une sorte de tapis poussiéreux. Le caramel restait en retrait.

- Allez, tu peux venir ! Il y a un sacré bordel ici !!!

Le caramel, curieux, bondit à la suite du chapeau et se retrouva au milieu du sacré bordel…

- Eh bien… Elle n’est pas trop rangée, comme humaine, ton Insoumise !

- Tu parles ! Elle a autre chose à penser ! Mon dieu, ces salauds la laissent vivre dans cette saleté… La pauvre…

Le chapeau observait la pièce en détail et fut surpris de voir qu’elle n’était meublée pratiquement que de livres…

- Mon dieu… Des livres !!! Je pensais qu’il n’en restait presque plus. C’est la première fois que j’en vois autant ! Ils sont dans un sale état !

Le caramel restait aussi interloqué que le chapeau.

Ils observèrent en silence un tas de livres qui étaient tous déchiquetés; des pages arrachées, roulées en boules jonchaient le sol.

lundi 3 novembre 2008

épisode quarante-deux

- J’suis pas bien, j’ai la nausée, je… Ouh là, c’est haut ! Si on tombe !!!
- Tout doux, du calme… On ne va pas tomber si on ne gigote pas trop. Remets toi de tes émotions. On y est arrivé sans mal !!! Félicitations !
- Ouhais… Mais là, ça va vraiment pas…
- Tu ne peux pas avoir la nausée, tu n’es pas humain !
- Ben, j’sais pas, mais j’me sens…
- Allez, du nerf ! Ce n’est pas le moment de s’arrêter, on se rapproche d’elle !!!


Le caramel vacilla un peu jusqu’au bord, le chapeau glissa jusqu’à lui pour l’empêcher de chuter.

- Du calme ! Ressaisis toi, bon sang ! On se repose un peu si tu veux.
- Ma foi, j’veux bien qu’on attende, je vais reprendre des forces…

Le caramel avait tellement forcé pour ce bond qu’il avait perdu sa répartie cinglante. Le chapeau le considéra avec une légère inquiétude. Ce bond lui faisait prendre conscience de toute la force du caramel. Sans lui il ne serait monté aussi haut.

- Merci, caramel… Sans toi je serais resté en bas.
- Sans toi je n’aurais jamais su que les objets étaient capables d’en faire autant. Je te devais bien ça. Bon, on va pas dormir ici non plus. Je me reposerai à l’intérieur !
- Allons-y ! Je suis en transe d’être aussi près d’elle !

Ils se rapprochèrent alors du bord de la fenêtre, intimidés par l’importance de la situation. Le chapeau s’avança le premier. Il regarda pour la première fois l’intérieur du phare, ce sanctuaire obsolète où vivait l’une des dernières représentantes de la vraie race humaine. Il s’habitua à l’obscurité, mais ne décela aucune présence. Il entendit juste le claquement de la porte au bout de la pièce puis des pas qui, vraisemblablement, descendaient les escaliers. Il se tourna aussitôt vers le caramel, qui se cachait derrière lui.

mercredi 15 octobre 2008

épisode quarante et un

Malgré sa peur le caramel, qui commençait à comprendre la sagesse, se faufila derrière un rocher et se colla à lui pour se charger d’énergie naturelle. Le chapeau resta à sa place et eu beaucoup de mal à vider son esprit. Le visage de l’Insoumise lui revenait sans arrêt. Tous les deux se concentrèrent du mieux qu’ils purent, chacun pensant malgré tout à sa dulcinée.

Le calme régnait et, comme par une ridicule coïncidence, la lumière du phare se mit en marche.
Au bout d’un long moment de concentration, les deux aventuriers s’acheminèrent du phare sans se dire un mot. Le chat revenait et prit soin de ne pas trop s’approcher, il resta devant un rocher…
- Allez, les gars, ils faut y aller… Courage, caramel !

Le caramel ne répondit pas plus que le chapeau. Alors, comme dans les étranges cérémonies qui précèdent les grandes aventures, le chapeau vint doucement recouvrir le caramel de sa paille. Ils restèrent un instant immobiles puis le chat vit le chapeau frémir. La ronde recommençait, verticalement cette fois-ci. Le chat assista alors au plus fabuleux spectacle qui lui eut été donné de voir. Propulsé par une force invisible et tremblotante, le chapeau s’élevait lentement mais surement, vers la haute fenêtre. On aurait dit qu’un ascenseur invisible le transportait. Par moment le chapeau s’arrêtait et restait suspendu dans les airs, le caramel devait retrouver sa force. Le chat eut peur, pendant une minute, car le chapeau se mit à redescendre sensiblement alors qu’ils étaient presque arrivés. Mais le caramel devait avoir une force considérable et le chapeau se hissa jusqu’au bord de la fenêtre.
Le chat ne les distinguait plus, il resta immobile. Il mourrait d’envie de s’approcher du phare pour y voir mieux, mais il craignait les Virtua-cops: ce n’était pas encore l’heure de leur baisse de vigilance…

Le chapeau se posa délicatement et bondit aussitôt pour libérer le caramel. Ce dernier était épuisé, étourdi d’être allé aussi haut.

mardi 14 octobre 2008

mercredi 8 octobre 2008

épisode quarante

- Ouh-là ! J’te vois venir…

- Tu fais de très beaux bonds, tu l’as toi-même remarqué tout à l’heure !

- Non, non, non ! Je ne bondis pas trop mal, c’est vrai, mais de là à risquer…

- A risquer quoi ??? Au pire on n’y arrive pas et on retombe en douceur…

- Et si le vent nous emporte, on finit à l’eau !!!

- Mais non : je me mets sur toi, tu nous propulse tous les deux jusqu’à la fenêtre ouverte, s’il y a du vent je te protègerais !

- J’ai comme un vieux doute tout de même… Et si le vent se déchaine ?

- Si je te dis qu’on en est capables, quand même, je le sais ! Je ne suis pas un kamikaze ! Qu’en pense le chat ?

- Ce bond me parait quand même difficile à réaliser. Ma foi… Je ne sais pas, moi, si ce caramel est vraiment fort.

- Le plus fort de tous !!! Je n’ai jamais vu un objet sauter avec une telle puissance !!! Je ne voulais pas trop te le dire pour que tu n'attrapes pas la grosse tête mais tu m’as vraiment impressionné tout à l’heure… Vu ce que tu es capable de faire, je suis sûr qu’on arrive à la fenêtre plus facilement que tu ne le croies !

Le caramel ne savait pas quoi répondre. Les paroles du chapeau le flattaient énormément, il avait lui-même compris très tôt que sa façon de bondir était impressionnante. Mais tout de même… Il se tourna une nouvelle fois vers la fenêtre puis repensa à son aventure. Après tout, ce n’était pas démesurément haut.

- Bof, je sais pas trop si je m’en sens capable…

- Punaise mais il faut te le dire en quelle langue ??? Si tu te concentres assez, tu peux sauter encore beaucoup plus haut que cette fenêtre !

- Je sais pas…

- Bon, il vaudrait mieux accepter, sinon je sens qu’il va nous saouler toute la nuit si vous ne tentez pas le coup ! Moi je reste là, je vous surveille… Je vous avertirais si je vois quelque chose, je vous aiderais s’il y a un problème…

- Ah ouhais! Et comment tu peux nous aider si on est à des mètres plus haut et toi sur les rochers ???

- Arrêtes de perpétuellement remettre en question ce qu’on te dit, il a raison le chapeau : c’est insupportable à la fin!

- Ok, ok… Si vous vous y mettez tous les deux, je veux bien faire une tentative.

- Ah, enfin une parole sensée ! Très bien ! Il faut te concentrer un maximum avant. Tiens, va t’isoler un peu… Je me concentre aussi de mon côté. Je suis surexcité, dire qu’on va la voir dans pas longtemps !

- Pendant ce temps je vais voir si je peux attraper un crabe, je commence à avoir la dalle… Juste une petite pince de crabe dans la panse depuis une semaine, je pars à la chasse !

Le museau au vent, le chat partit dans les parages, laissant un chapeau plein d’impatience et un caramel un peu effrayé.

mercredi 1 octobre 2008

épisode trente-neuf

- Bien, bien bien… Alors tout le monde se calme, le moment est solennel, je sais, mais si vous vous prenez la tête sans arrêt on va y passer la nuit !

- Tu as raison, je me laisse un peu déborder, vous comprenez, elle est si près !

- Oui, je comprends, le caramel te comprend aussi…

- Comment va-t-on va faire pour l’approcher ?

- Je vous recommanderais plutôt d’attendre, un petit peu du moins. Elle finira par sortir, vous pourrez l’approcher après l’avoir observée. Vous attendez, vous observez… Wait and see…

- Tiens, je ne savais pas que les chats étaient bilingues !

- Tous les chats sont polyglottes, tu es trop jeune pour le savoir.

- Bon, et on va attendre longtemps tu crois ???

- Mmmmmhhh… En général elle sort lorsque la nuit est déjà avancée. Disons dans trois heures.

- Il est marrant lui… dans trois heures !!! On ne sait même plus ce que c’est, des heures !!!

- Bon, elle sort avant le milieu de la nuit, ça vous va comme indication ???

- Ouh là, mais ça fait dans longtemps ça ! Je ne sais pas si le chapeau tiendra jusque là !

- Non, c’est sûr… Il y a bien un moyen de rentrer dans ce phare…

- Elle s’y enferme à clef.

- Il y a bien des fenêtres ???

- Oui mais elles sont à plusieurs mètres du sol, tout là haut, regardez !

Ils pointèrent leur regard vers l’endroit indiqué par le museau du chat et virent effectivement de grandes fenêtres, assez hautes, dont l’une était ouverte.

- On peut peut-être y monter, en faisant un très grand bond…

- Arrête d’halluciner, chapeau, c’est trop haut ! Le vent souffle plus fort là haut !

Le chapeau se tourna vers le caramel et le regarda en silence pendant un bon moment. Le caramel, malgré sa jeunesse, comprit le message implicite.

mercredi 24 septembre 2008

épisode trente-huit

- Les virtua-cops ne nous repèrent pas ???

- Vous, non: vous êtes trop petits, ils sont puissants ces abrutis, mais limités tout de même. Pour moi c’est plus risqué. Je me déplace le plus souvent entre les rochers, à l’abri des regards… Je connais leurs moments de repos : à certaines heures de la journée et de la nuit leur taux de virtua-énergie diminue et ils retrouvent pendant quelques instants les restes d’âmes qu’ils avaient. Ils sont alors sonnés, ne comprennent pas qui ils sont et se posent des questions… Du coup ils baissent la garde et là, je peux sortir un peu sur les rochers, comme tout à l’heure quand je suis venu vous voir, je savais que c’était sans danger !

- Putain, des virtua-cops –le caramel restait songeur- mais, mais… ils ont du nous voir !!!

- Mais non, j’vous dis, vous êtes trop petits !

- Pas là, mais hier, avec le matelas !!! Je veux bien qu’on soit petits et que les virtua-cops soient limités, mais un matelas qui plane au ras dus sol pour s’avancer vers le bord de l’eau, ils ont bien du capter !

- Mmmmhhh… C’est pas dit, un matelas peut être emporté par le vent.

- Surtout que là, il n’y avait aucun vent, ils nous ont vus, c’est sûr !!!

- Pas d’affolement : les virtua-cops sont programmés pour traquer les humains ou les animaux, pas les objets ! Ils ne savent pas que vous avez une âme ces abrutis ! Ils vous ont peut-être vus, mais je suis certain que ça ne les a pas affolés plus que ça… S’ils étaient affolés ils seraient déjà intervenus !

- Peut-être qu’ils nous laissent aller jusqu’au bout car ils sont au courant de la mission, ils vont nous attraper au dernier moment !!!

- Ce n’est pas le genre des virtua-cops. S’ils avaient du vous arrêter ils l’auraient déjà fait. De toute façon ce n’est pas la question : pour l’instant ils ne sont pas là !

- Il a raison, arrête un peu de paranoïer, tout se passe bien pour le moment, arrêtons de nous poser des questions !

- Non mais, c’est moi qui paranoïe !!! Et toi, qui me parlais tout à l’heure des dangers de l’aventure !

- Ouh là, va falloir vous calmer les gars ! J’ai l’impression d’être avec un vieux couple d’humains…

- Et dire qu’elle est juste là, si près de nous, mon dieu !

- Tu vas arrêter avec ton dieu aussi : c’est nouveau ça, tu nous le ressors à chaque phrase, il nous fait pas vraiment avancer ton dieu !

- Mais tu m’insupportes à la fin ! Ce n’est pas plus con de dire mon dieu que de s’angoisser comme un débile pour des virtua-cops qui ne nous ont même pas captés !

dimanche 14 septembre 2008

épisode trente-sept

Le phare, inlassablement clignotant, semblait attendre de la visite. Le temps passait sans trop savoir comment ; l’heure entre chien et loup se profilait.
Ils parcoururent la seconde moitié du chemin sans s’arrêter. Le chat stoppa net, à quelques mètres du phare. Le chapeau et le caramel, empreints tout de même d'une certaine fatigue, le rejoignirent. Le caramel n’en revenait pas d’y être si vite.

- Alors voilà, nous y sommes.
- Je n’y crois pas… dire qu’elle est à quelques mètres de nous !

Ils se turent religieusement. Le chapeau frémissait d’impatience. Le trio contemplait le phare avec un double sentiment d’appréhension et d’espoir. Le chat fut le premier à rompre le silence.

- Bon, moi je ne vais pas plus loin, je reste dans les parages mais je m’avance pas plus. Allez y si ça vous tente, elle a l’air trop folle pour moi !
- Mais, attends, y a un truc que je ne comprends pas (c’était la première fois que le caramel osait s’adresser directement au chat), c’est peut-être à cause d’une hyperglycémie mentale, mais, si tu l’as vue sur le rocher du bout, ça veut dire qu’elle peut sortir de son phare, ça veut dire qu’elle peut partir, pourquoi ne s’enfuit-elle pas ???
- Pour aller où ? Il y a des centaines de virtua-cops postés aux alentours de la plage : ils ont pour ordre de l’abattre au moindre mouvement de fuite et, croyez moi, quand les virtua-cops ont un ordre en tête ils mourraient plutôt que de ne pas l’exécuter !!! Dire que ces robots sont des anciens humains…
- Elle est donc réellement prisonnière!
- Pas complètement, elle peut décider de se jeter dans la mer, ce serait une sorte de libération après tout. C’est ce qu’ils attendent d’ailleurs. Ils la laissent devenir folle car ils ne peuvent pas la tuer, la peine de mort est interdite. Ils se sont quand même arrangés pour faire une seconde loi, plutôt obscure, qui autorise l’exécution en cas de légitime défense. Tant qu’elle ne bouge pas de son phare elle n’est pas dangereuse, ils attendent donc qu’elle se suicide ou qu’elle prenne la fuite. Malgré sa souffrance elle n’a l’air décidée ni à l’un ni à l’autre…
- Tu sais bien des choses pour un chat!
- Qu’est-ce que vous croyez ? Il n’y a pas si longtemps je côtoyais les humains moi aussi !

jeudi 11 septembre 2008

épisode trente-six

- Tu la connais donc ? Je ne veux pas te décevoir, mais je crois qu’il vaudrait mieux qu’elle soit morte…

- Tu dis n’importe quoi ! Et puis, même si elle est folle, on fera tout pour la ramener à la raison. Elle est vivante, j'ai du mal à le croire… Tu entends, caramel ? Elle est vivante !!!

- Oui, oui, j’entends, mais elle n’a pas l’air d’aller trop bien d’après ce que nous dit ce chat.

- De toute façon, on va au bout de notre mission, ce n’est pas un chat qui va nous en empêcher ! Bon, ma fatigue s’est envolée. Savoir qu’elle est vivante me motive encore plus. Tu es prêt à repartir ???

- Je n’étais pas fatigué, moi, je bondirais jusqu’au bout du monde !!!

- Et toi, le chat, que fais tu ?

- Je ne peux vraiment pas croquer dans le caramel ???

- Si c’est pour poser de stupides questions, je ne te propose pas de participer à notre aventure !

- Ok, ok, je veux bien vous accompagner. Mais je ne vous promets pas d’approcher la fille, elle me fait un peu peur…

- Et, bien sûr, on te prend avec nous uniquement si tu jures de ne pas manger le caramel !

- Bof, d’accord, de toute façon, c’est vrai qu’il a l’air périmé, et puis… je préfère quand même les crabes.

- Alors on repart…Mon dieu, je languis de la voir !

Le chat partit donc en éclaireur, ce qui laissa au caramel le loisir de parler avant de partir à son tour.

- Je le sens pas trop ce chat, on ferait peut-être mieux de pas le suivre.

- Ecoute bien, nous l’avons rencontré, nous n’avons pas trop le choix. Les chats sont des animaux de confiance. - Il préfère les crabes, il l’a dit lui-même, il n’a plus envie de te manger.

- Oui ! Je te remercie au passage d’avoir dit que j’étais périmé !

- Oh, monsieur ne va pas nous faire des manières alors que je lui ai sauvé la mise !!!

Le chat, qui était déjà quelques rochers plus loin, les interpella…

- Vous allez jacasser comme ça encore longtemps?

- On arrive, on arrive! Allez, caramel, du courage ! Pense comme ta sucette serait fière de toi !

Le caramel ne répondit rien et se prépara à bondir.

Une étrange farandole se formait sur les rochers. Un chat noir, famélique, se faufilait entre les pierres, tandis qu’à sa suite bondissaient bizarrement un chapeau et caramel.

lundi 8 septembre 2008

épisode trente-cinq


- En mission, tiens donc, c’est original… Et quel genre de mission ???

- Le genre qu’on ne révèle pas au premier inconnu qu’on croise !

- Ah, je vois, ces messieurs font des secrets ! Je n’ai jamais mangé de caramel, mais je pense que ça changerait des carcasses de crabes !!!

- Non, non, non, tu ne peux pas le manger, il… il te rendrait malade ! Les chats ne mangent pas les caramels.

- Quels chats ? Il n’y en a plus !

- Il est trop sucré pour toi, et puis… il est périmé ! Depuis longtemps ! Même les chiens n’en ont pas voulu !!!

- Bof, je ne vais pas faire le difficile. Je me ferais bien un caramel, même périmé…

- C’est ça, mange le, tu seras malade comme un chien, tu seras aveugle, comme ça tu ne nous saouleras plus ! Tu vas te coller les dents, on va bien rire !

Le chapeau était particulièrement convaincant, le chat n’y connaissait rien en caramel et ne voulait pas être aveugle.

- Bon, je veux bien ne pas le manger, mais il faut que vous me racontiez alors votre fameuse mission… Si vous ne me le dites pas, je le gobe !

- Pff… Tu vois, caramel, je t’avais bien prévenu qu’il y aurait de l’imprévu ! Notre mission, c’est d’arriver au phare.

L’expression du chat changea, il devint méfiant.

- Tiens donc, au phare… Et qu’est-ce que vous y ferez au phare ???

- On veut vérifier quelque chose. Et puis, comme ça, on s’éloigne encore plus des humains !

- Si c’est pour la fille que vous y allez, ce n’est pas trop la peine…

- Tu y es déjà allé ? Tu connais la fille ???

- Non, je ne m’approche plus des humains, mais je l’ai vue de loin… C’est pas la peine, j’vous dis ! Vous ne pourrez pas la sauver. Elle a l’air complètement folle la pauvre. Elle ne sort pas souvent de son phare, mais, de temps en temps, elle va sur le dernier rocher et elle parle aux vagues… Elle parle, elle chante, elle finit par pousser des cris démentiels, puis elle s’effondre sur son rocher en pleurant. Elle passe la nuit ainsi et, réveillée par le soleil, elle se lève pour retourner dans son phare. Je doute que vous puissiez faire quelque chose pour elle… En plus elle bouffe que des gélules, elle a rien d’intéressant pour moi…

- Mon dieu, elle est vivante !

jeudi 4 septembre 2008

épisode trente-quatre

Une minuscule et noire tête triangulaire apparut, percée de deux yeux émeraude qui se posèrent sur le caramel. Ce dernier aperçut avec effroi de saillantes canines dans la gueule de cette bête immobile et souriante. Le caramel commençait à trembler.

- Merde, c’est quoi cet animal diabolique ? On dirait qu’il veut me bouffer !
- Ne t’inquiète pas, c’est un chat ! C’est bizarre, ils sont censés tous avoir disparu… Essayons d’entamer un dialogue avec lui, il devrait nous comprendre…
- Un peu que je vous comprends ! Je sentais bien une odeur différente de celle de la mer ! Une odeur sucrée de bon caramel…

Il se lécha les babines en même temps qu’il s’approchait d’eux, léger et souple.

- Que faites-vous ici ? Ce n’est pas un endroit pour vous !
- Laisse moi lui parler… Et toi ? Que fais tu ici ? tous les chats ont disparu…
- Sauf moi ! J’ai réussi à échapper à ces foutus chiens, mais je crois bien être le seul… J’ai réussi à leur refourguer un de mes frères déjà mort, ils l’ont pris pour moi ces abrutis ! Je me suis enfui dans les rochers, la nuit, en prenant soin de ne pas me faire remarquer. Depuis je rôde, sans croiser personne, me faisant le plus petit possible, gobant des crabes ou un poisson les jours de chance…
- Ainsi il reste des poissons ? J’avais entendu dire qu’il n’y en avait plus !
- Oh, de moins en moins en effet : les humains sont parvenus à les exterminer petit à petit…
- Et tu bois quoi ?
- D’après toi ? De l’eau de mer bien sûr, dégueulasse ! Ou celle qui tombe dans les creux des rochers les jours de pluie… Mais bon, un chat dans les rochers, il fut un temps où ce n’était pas trop anormal. Par contre, un caramel et un chapeau, ça, c’est plus rare ! Vous faites une petite balade ??? Y a pas grand’chose à faire par ici, à part s’abriter et bouffer du crabe…
- Nous ne sommes pas du tout en balade, mais plutôt en mission…

Le chat esquissa un sourire carnassier. Le caramel, tremblant de tout son sucre, se cacha derrière le chapeau.

lundi 1 septembre 2008

épisode trente-trois

- Alors, tu es fatigué ??? Je ne pensais pas que c’était si facile !
-
Méfiance, on se fatigue plus qu’on ne le croie ! Et, si la fatigue te prend en plein bond, tu retombes aussi sec et tu te fracasses sur la pierre…
-
On peut se reposer de toute façon : la journée n’est pas terminée.
-
Pas trop longtemps non plus, ce serait bien qu’on arrive avant la nuit, et l’imprévu est toujours possible. Tout s’est bien passé jusqu’à présent, on peut tout de même rencontrer des obstacles avant d’arriver au phare…
-
C’est ça, porte nous la poisse avec ton angoisse ! Tu dis toi-même qu’il n’y a personne !
-
On ne sait jamais. Ce serait dommage de se faire avoir en plein milieu de notre aventure. Restons discrets, reposons nous un peu. Regarde : le phare n’est plus très loin !
-
Oui… Je languis d’y être, j’espère que l’Insoumise sera encore là…

Le chapeau ne répondit pas, tous deux écoutèrent les vagues et le vent sans rien dire.
Le caramel, hypnotisé par le rythme des vagues, commençait à somnoler lorsqu’un bruit se fit entendre. On aurait dit une bestiole qui se faufilait entre les rochers. Le caramel, effrayé, chuchota au chapeau…

- Putain, t’entends ???
- Oui, chut ! J’espère que ce n’est pas un humain…

Le bruit se rapprochait, mais les deux aventuriers ne voyaient toujours rien. Soudain, deux oreilles noires pointèrent leur nez au dessus d’un rocher…

- Putain, j’ai peur, qu’est-ce que c’est ???
- Du calme, du calme, reste prés de moi ! Ce n’est pas humain en tout cas, ça a l’air petit…