vendredi 14 novembre 2008

épisode quarante-quatre

La curiosité intellectuelle du chapeau le poussa à s’approcher de ces tristes vestiges de la vie littéraire.

- Voyons voir, quel genre de livres a saccagé mon Insoumise ??? Tiens, tiens, De brevitate vitae, enfin, De la brièveté de la vie, de Sénèque, je le connais ! C’est étrange qu’elle ait déchiré ce bouquin. Tu connais ?
- Bien sûr ! Je te signale que je suis un caramel, au cas où t’aurais pas remarqué. Je ne connais donc aucun bouquin, pas la peine de jouer les intellos !
- Il n’est jamais trop tard pour s’y mettre. Sénèque était un philosophe…
- J’ai le cerveau en sucre mais vu le titre je m’en serais douté !
- Il était stoïcien et se moquait des futilités de la vie qui bouffent le temps des humains… Il se moque des humains qui se croient immortels et qui perdent leur bien le plus précieux –le temps- à tort et à travers, c’est terrible…
- Non, mais j’y crois pas… Tu m’fais un cours de philo ?
- Oh, ça va ! Je t’éclaire comme je peux. Voyons voir… Tiens, celui-là je l’adore… Les noces, d’Albert Camus. Il est tout déchiqueté lui aussi… Mon dieu, pourquoi a-t-elle déchiré ces livres ???
- On a qu’à regarder ceux qu’elle n’a pas déchirés, ce serait aussi intéressant, non ?
- Tu as raison. Allons voir là-bas…

Ils effectuèrent un bond en simultané et se retrouvèrent devant une impressionnante colonne de vieux livres qui n’étaient pas déchiquetés. Cette colonne mesurait plus d’un mètre, ils ne purent voir que les livres d’en bas.

- Ah ! J’étais sûr qu’elle l’avait, celui-là… Le dernier jour d’un condamné, de Victor Hugo. Sur la peine de mort, il est génial. Pas étonnant qu’elle ne l’ait pas déchiré.

Le caramel retourna sur le tapis poussiéreux pour se reposer. Le chapeau continuait de regarder les livres en marmonnant leurs titres ou différents commentaires, puisqu’il les connaissait tous… Le caramel commençait à somnoler.
Une mélopée lointaine se fit entendre, le caramel sursauta…

- Punaise, t’as entendu ???
- Mmmhhh ??? Qu’est-ce que tu dis ?
- T’as pas entendu? Là, on dirait un chant… Ca recommence ! Ecoute !

Le chapeau entendit à son tour. La voix, féminine, semblait lointaine et répétait des sons indistincts sur un rythme lent.

- On dirait une prière… Mon dieu, ça doit être elle !
- Ben ça, c’est sûr, y a personne aux alentours. Je vois mal les virtua-cops entonner des prières…
- Ccchhhhhhhhhttttt… Tais-toi ! Ca continue…

Le chapeau était en transe, le caramel ne pouvait que se taire. La voix et le rythme s’intensifiaient, le chant devenait inquiétant, il se transformait en cri.

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