jeudi 10 septembre 2009

Episode 96

L’Omphalôn implosa.

Les milliards de circuits mis au point par Mélan pour satisfaire tous les délires virtuellement humains grillèrent lentement. Les connectés voyaient leurs rêves, leurs vies partir en fumée. Ils profitaient quelques derniers instants des restes de leur vie virtuelle.

Les enfants s’arrêtèrent de voler, les adultes tentaient désespérément de s’accrocher aux poussières de leur bonheur artificiel; les Virtua-cops faisaient leur possible pour retenir les chiffres qui s’effaçaient déjà.

Chaque connecté courait virtuellement après ce qu’il perdait. Un chaos virtuel se mettait doucement en place.


Du côté des rochers, Cléophée flottait de plus en plus haut, les contours de son corps se fondaient désormais dans la lumière métallique.


Cléophée s’effaçait.


Les pouvoirs sucrés quittaient son organisme, son âme était déjà bien loin.

Mélan assistait impuissant à la destruction de sa création. L’aorte qui alimentait son cœur refusa d’en supporter plus. Mélan s’effondra, en pensant une dernière fois à sa vie et à toutes celles qu’il avait gâchées.


Le chat était rocher, le sachet et le chapeau se fondaient à Cléophée. La lumière métallique s’intensifia, le ciel devint un immense éclair.



Un tonnerre fracassant.


Le silence.


La mer. Les rochers. Le phare.


Et, quelque part, un petit nombre d’humains qui ne savaient pas encore ce qu’il leur arrivait.





FIN d'un monde

lundi 7 septembre 2009

Episode 95

Les tremblements de l’Omphalôn se propageaient; les connectés en ressentirent de profondes secousses.

L’air vibrionnait autour de l’Insoumise. Son esprit s’attachait désespérément à celui d’Hadrien, pour une dernière danse. Les esprits des sombres héros ne formaient qu’un avec ceux des deux Insoumis : chacun luttait à son échelle pour maintenir l’énergie.
L’Omphalôn ne sentait même plus la présence de son géniteur: il était hypnotisé, obsédé par la triste condition humaine. Les noms des sept cent s’enchaînaient, de plus en plus vite, se mélangeaient. Cette ronde de noms finit par n’en former qu’un, extrêmement long. C’était un nom imprononçable, un nom que seuls les objets pouvaient entendre.

La tempête se suspendit, le silence total tomba sur ce monde. Les Virtua-cops, les connectés, Mélan même : ils étaient tous statufiés, dans l’attente.

Le mystérieux nom résonnait en chacun, faisait naître un profond chagrin au cœur de l’Omphalôn. Mélan eut une dernière pensée volontaire pour ses parents : ils étaient à l’origine de ce monde sans âme.

Alors, au milieu d’une nuit éternelle, Cléophée fit un ultime effort, savourant dans sa bouche les derniers restes de salive sucrée.

jeudi 3 septembre 2009

Episode 94

Aussi, lorsque l’alarme retentit dans sa chambre, il n’eut pas besoin d’écouter le message : il savait qu’il s’agissait d’elle.

Mélan courut jusqu’à l’Omphalôn, le seul enfant qu’il eut jamais, un enfant de la haine. Il arriva essoufflé devant la bête, son vieux corps lui rappelait qu’il était tristement humain. L’Omphalôn était incandescent. Mélan avait lui aussi été télépathe, mais il s’était lui-même ôté ces pouvoirs car les objets ne l’aimaient pas. Alors que les pouvoirs de Cléophée étaient guidés par l’amour, ceux de Mélan ne manifestaient qu’un mépris vis-à-vis des objets, et ces pouvoirs s’étaient plusieurs fois retournés contre lui. Notamment lorsqu’il avait tenté, par la pensée, de faire s’envoler le flingue que son père tenait entre ses mains.

Il n’avait donc plus vraiment de pouvoir sur l’Omphalôn, ce dernier était devenu autonome au fil du temps.

Mélan le regardait, terrorisé.

Il sentait la fin de son enfant approcher, il ne pouvait rien y faire. Même s’il n’était pas connecté, il voyait lui aussi le visage de Cléophée et cette vision le tétanisait.


L’Omphalôn n’en pouvait plus. Il portait en lui la misère humaine et n’en supportait plus le poids.

Même s’il était le fruit de son travail, il n’avait jamais aimé Mélan: il s’y était juste soumis, docilement, comme un objet sans vie se soumet à l'humain.