mercredi 21 mai 2008

épisode dix

- C’est vrai qu’il va falloir qu’on s’y mette si on veut bouger avant que la nuit tombe, j’ai bien peur que cela nous prenne pas mal de temps. Je pense que l’idéal pour commencer serait de viser les rochers qui coupent la mer, ils sont à moins de vingt mètres…

- Et si on se rate et qu’on tombe à l’eau, comment on fait ?
- On va y aller petit à petit, on pourra éviter ainsi
ce genre d’accident. On va tournoyer jusqu’à la moitié du chemin, qui à vue d’œil fait onze mètres. On se reposera un peu avant de repartir, ce sera une sorte
d’escale…

Le caramel était impressionné par les précisions du chapeau. Mais il craignait quand même de ne pas y arriver. Pressentant cette crainte, le chapeau prit une sage décision.


-Tu te mettras sous moi pour commencer, on effectuera la première partie du trajet au ras du sol. C’est assez difficile, mais c’est le moyen le moins dangereux pour toi. Il faudra que je double ma concentration. Tu dois toi aussi être concentré sur l’itinéraire à parcourir, sinon ça ne marchera pas.

Le caramel en avait un peu marre de dépendre du chapeau, mais ça le rassurait. Il préférait avoir le chapeau, même si parfois il le saoulait, plutôt qu’être seul, faible au milieu de cette plage. Cette trajectoire au ras du sol le terrifiait un peu. Et si le vent était trop fort ? Et s’il ne les portait pas où ils voulaient ?… Et si le chapeau bluffait ? Il préférait ne plus se poser de questions.

Le chapeau alla s’isoler pour se concentrer. Le caramel resta donc avec le matelas. C’était la dernière fois qu’ils se voyaient. Ils partagèrent alors un silence lourd de sous-entendus. Ca fait bizarre de parler à quelqu’un (quelque chose) en sachant qu’on ne le verra plus. Le caramel rompit cette éternité au bout de quelques instants, impossibles à mesurer car le temps n’existait plus.

Ils avaient tous deux l’impression que ça faisait des jours entiers qu’ils étaient là, à s’échanger par télépathie leurs plus anciens secrets. En fait le soleil avait dépassé depuis peu son zénith…

- Tu crois qu’on va y arriver ? – le matelas, évidemment, mit du temps à répondre-
- Normalement ça devrait aller. Il est fort ce chapeau, je pense qu’il est capable de vous mener loin, même nulle part.

Voilà une parole qui ne rassura pas du tout le caramel.

- Ca veut dire quoi ça ? Si on n’y arrive pas on va crever, c’est ça ? Dis le de suite, ce serait dommage de se casser pour rien!

Il pétait un plomb, le caramel, d’être sûr de rien comme ça.

- Il a raison : tu as tendance à faire dire aux gens ce qu’ils n’ont pas dit. A mon avis vous ne risquez rien, si ce n’est un coup de sirocco, ce qui n’arrive jamais ici…
- N’essaie pas de faire de l’humour pour me détendre… j’ai plus envie de rire, moi! J’ai peur, putain, personne peut le comprendre ? Et vous, tous les deux, vous me faites encore plus peur, à ne pas craindre la mort comme ça… si on a une âme, on a forcément peur de la mort, vous le savez, non ? Les premiers objets vivants l’ont dit à nos ancêtres, c’est l’une des seules certitudes qu’on ait. On a une âme, mais à la différence des humains, on ne croit pas en son immortalité. On en a peur de cette immortalité de l’âme. Les objets ne sont pas faits pour l’immortalité, ils ne sont pas faits pour avoir une âme, ils ne le méritent pas, vous le savez autant que moi. Alors on a hérité d’une super âme immortelle, grâce aux humains qui ne savaient plus qu’en faire! Merci bien… Une âme mais pas de religion pour la sauver… c’est pathétique!!!


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