lundi 19 mai 2008

épisode neuf

- Ce n’est pas pour vous affoler, mais vous savez que trop de réflexion tue l’action. Alors, si ça vous plaît de débattre à longueur de journée sur la condition humaine, c’est votre problème ; mais votre voyage ne se fera pas tout seul! Il faudrait mettre en place un itinéraire, même le plus incertain qui soit. C’est bien de partir à l’aventure, mais encore faut-il éviter de tourner en rond, ce qui a déjà aliéné beaucoup d’objets avant vous…

- T’as vu d’autres objets depuis que les hommes sont partis ? – lança le caramel, digne de la légendaire espérance de la jeunesse.

- Non… tous mes frères se sont laissés mourir un à un… je n’ai rien vu. Vous êtes les premiers à venir me voir. Mais j’ai vu des objets devenir fous à l’époque où les hommes étaient encore là. Ce n’est pas le problème. Nous sommes en fin de matinée et vous êtes encore là. Vous y serez encore demain matin si vous ne vous activez pas un peu ! Et vous aurez beau rester là, je ne crois pas que les hommes reviennent de si tôt. Je crois bien que cette fois-ci c’est la bonne. Tous perdus…

- Et que vas-tu faire une fois que nous serons partis ? Tu ne veux pas venir avec nous ?

- Non, je vais me perdre moi aussi. Je vais profiter de ces moments de calme, les plus purs qui soient. Je n’ai pas la force d’en vouloir plus. Je savourerai pendant quelques jours la joie de me sentir seul au monde. Et une fois que j’aurai fait le tour de ma vie, je me laisserai aller. Je suis trop vieux de toute façon, vous n’allez pas vous charger d’un vieux débris comme moi… Et puis même si vous insistez, je ne veux pas. J’ai vu ce que je voulais voir, je n’ai pas envie de bouger. Je veux mourir sur cette plage. Sans hommes.

- silence absolu des deux côtés, sucré et intellectuel-

- Par contre, je peux vous aider. Les vents sont traîtres en cet endroit. Je servirais peut-être à en contrôler certains… Vous êtes jeunes encore, il vous faut partir.

Nos deux aventuriers étaient un peu désappointés par ce qu’ils venaient d’entendre. Le matelas venait de leur renvoyer, encore une fois, la tristesse de la situation. Encore une fois ils prenaient conscience de l’aspect dérisoire de leur quête désespérée.

Le caramel ne parlait pas. Il repensait à sa sucette, à l’insouciance de cette époque perdue. Il regrettait tout. Il regrettait la rapidité de la vie, et pleurait sur son incapacité à maîtriser l’éternité. Il pleurait pour revenir en arrière. S’il avait su…

C’est bizarre un caramel qui pleure. C’est silencieux mais ça sent la tristesse à plein nez.

Il suivait l’aventure sans trop savoir pourquoi. Il n’avait pas trop le choix en fait. Il était là sans le vouloir vraiment, même si les idées du chapeau étaient convaincantes. Il plaçait le peu d’espoir qui lui restait dans ce voyage.

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