lundi 16 juin 2008

épisode quinze

Celui-ci fit un bond en sens inverse et revint doucement vers eux, il avait quand même besoin de protection, il ne pouvait pas vraiment faire autrement…
- Excusez-moi, les gars, c’était pas pour vous faire mal… Tu as raison, peut-être que je deviens comme les hommes, puisque mes paroles se mettent à dépasser mes pensées. Je me sens guère mieux que vous, vous savez… Je crois que j’ai encore besoin de me reposer, d’ingurgiter tout ce qui se passe. En fait je ne me sens pas encore prêt pour le voyage… J’aimerais qu’on prenne une journée de plus. Excuse moi, matelas. Je crois que j’ai pas envie de te laisser. Si tu ne veux pas venir avec nous, je préfère rester encore un soir avec toi. Après tout, tu es peut-être le dernier objet qui croise notre chemin!
- Je ne pense pas, caramel, d’autres objets doivent errer çà et là… Mais, si tu veux rester un soir de plus, rien ne nous en empêche, tu as raison. Et puis, ça me laissera aussi plus de temps pour méditer, je pourrais repérer les lieux de façon plus précise. Comme ça on pourra peut-être partir plus loin que prévu. Je te présente aussi mes excuses, ma colère me rend nerveux. Je dois t’avouer que je suis content, malgré tout, que tu m’accompagnes. Je ne te laisserai pas tomber, crois moi. L’aventure solitaire ne me tente pas du tout. Et puis, ce n’est pas pour rien que nous nous retrouvons là tous les deux. Rien n’arrive par hasard…
Le calme finissait donc par s'imposer, ce n'était pas la peine de s'agiter, la situation était suffisamment affolante.
- Je suis très touché que vous vouliez me tenir compagnie un dernier soir avant de partir, mais je ne veux vous forcer en rien... J'étais seul jusqu'à présent, ça ne me gêne pas que vous partiez maintenant. Dans tous les cas, je peux vous aider à faire la moitié du chemin pour aller aux rochers, ainsi j'aurais participé à l'aventure à ma façon...
- Je veux bien, ton aide me permettra d'économiser de l'énergie pour la suite du voyage...
- Mais, si je vous accompagne, j'aimerais autant que l'on parte maintenant. Nous passerons notre dernière soirée là-bas, ça revient au même... Et puis, contrairement à ce que vous semblez croire, le temps vous est compté. Les hommes sont partis, il vous faut agir!
- Certes, certes... Bon, finalement, on revient à ce que j'avais dit:on part maintenant et on dort là-bas. Comment tu vas faire pour nous aider?
- Vous montez sur moi, vous vous agripperez bien et je plane au ras du sol jusqu'à votre destination...
- Ouh-là! Attends un peu... c'est sûr, ton truc? On risque pas de tomber si le vent est trop fort?
- S'il nous le propose, c'est qu'il en est sûr ! Tu vas pas commencer à t'agiter encore, garde ton énergie! Le principal, c'est de bien se concentrer pour se coller au matelas, surtout quand il tourne pour lui même se concentrer avant de partir...
- Tu veux dire qu'on va être sur lui quand il va tourner ???
- Mais oui, ne sois pas stupide ! le procédé est toujours le même : il faut tourner avant de partir. Si on n'est pas sur lui à ce moment-là il partira sans nous, ce qui sera vachement utile...
- Mais je risque d'être malade, moi, s'il tourne trop vite ! T'as vu le premier voyage ? J'ai bien cru y rester!!!
- Voyons, voyons, qu'est-ce que tu racontes?! Le premier voyage est toujours éprouvant, je me rappelle à peine le mien, c'était il y a si longtemps ! Mais, si tu as réussi une fois tu peux tenter tous les voyages que tu veux!!! A moins que tu veuilles rester, débutant ainsi la future légende du pathétique caramel solitaire qui n'a jamais eu le courage de transformer sa vie... Si c'est ça que tu veux... Je ne force personne, moi, il ne tient qu'à toi... Moi, je tente le voyage, on n'a pas d'autre solution!
- Ok,ok... Si vous me dites que c'est sur, je vais essayer... J'ai juste peur de mourir. Mais ça, apparemment, ça ne vous affecte pas trop !
- Ecoute, s'il faut te supplier à chaque fois, on ne s'en sortira jamais ! Evidemment qu'il y a un risque, il y en a toujours un, quoi que tu fasses... Donc, je le répète une dernière fois, si tu veux rester, rien ne t'en empêche. Mais, à ton âge, je pense que ce serait stupide. Tu finirais par te suicider...
- Tu parles! Je ne savais même pas qu'on pouvait se suicider, je ne sais même pas comment on fait... On ne peut pas se tirer une balle dans la tête, quand même?
- Ah la la... Quel manque de connaissances! Tu es vraiment très très jeune!!! Je ne vais pas te refaire l'historique des objets, mais sache que leurs façons de mourir sont plus que variées, surtout quand ce sont les humains qui s'en chargent... Pour le suicide aussi on a le choix, il n'y a rien de plus simple. Il faut que tu comprennes que l'âme qu'on a acquise au fil des siècles est particulièrement puissante, seule notre condition la brime... Pour mettre fin à ses jours, il faut que l'objet se concentre énormément. Dans le cas présent je te conseillerais, si tu devais te suicider, de te concentrer au maximum, jusqu'à ce que cette masse d'énergie soit si lourde que tu t'enfonces dans le sable. Plus tu seras concentré et déterminé, plus tu t'enfonceras et ta mort sera rapide, une sorte d'étouffement mental. C'est pas très serein comme mort, mais bon, c'est un moyen comme un autre... Sinon, tu peux te déplacer jusqu'à la mer et t'y jeter dedans. C'est plus lent, tu te laisses flotter et tu finis par te noyer, c'est pas mal non plus... je pense que je choisirais cette solution si notre aventure ne menait à rien...
- Super, c'est génial! Non seulement monsieur se la joue "le suicide en dix leçons" mais en plus il m'annonce que notre voyage ne servira peut-être à rien! Bravo! Merci pour la leçon de philosophie, je n'en demandais pas tant!
- Et allez, c'est reparti!!! Tu es pénible à la fin. Tu poses des questions et n'assume pas les réponses. Tu es sûr que tu n'es pas humain???
- Tu m'emmerdes avec tes humains. De toute façon, ça me prend la tête tes histoires! On va y aller. On va se concentrer, tous les trois, et on va partir. Je ferai mon possible pour rester accroché, je n'ai pas le choix. On verra bien où ça nous mène. J'abandonne la peur, elle ne sert à rien.

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