lundi 23 juin 2008

épisode dix-sept

Le matelas s'allongea de tout son long sur le sable et fit un imperceptible signe d'invitation aux deux autres voyageurs, qui bondirent rapidement. Pris d'un instinct paternel jusque là inconnu -si tant est que les objets puissent en avoir un- le chapeau recouvrit le caramel pour le protéger. Il se cramponna avec une force impressionnante aux rayures bleues délavées du matelas, de même que le caramel se faisait le plus lourd possible pour ne pas chuter pendant la transe...

Et là, au milieu du silence et du vide créé par les hommes, le matelas se mit à tournoyer. Il fit d'abord plusieurs tours, assez lentement. Il était encore collé au sol, le rythme s'accéléra. Puis, dans une poussiéreuse spirale, il s'éleva légèrement de quelques centimètres. Le chapeau et le caramel se cramponnèrent alors de toutes leurs forces. Les tours s'enchaînèrent de plus en plus vite, le sable vola. On eut dit une tornade qui se préparait, une tornade d'objets désespérés. La rapidité du matelas, toute l'énergie qu'il avait emmagasinée, lui firent émettre un sifflement léger et continu.
Ca ressemblait à une note de musique, longue et monotone, comme jouée par un violon lointain.
Sur une plage, à la mi-journée, sans qu'aucun vent ne souffle, les objets se soulevèrent et s'envolèrent
dans un tourbillon de sable. Et ils planèrent vers un bonheur incertain.
Ils n'avaient pas bien évalué la trajectoire, ou alors le matelas avait trop d'énergie... Toujours est il qu'ils dépassèrent la dizaine de mètres qu'ils s'étaient fixés. Le matelas plana bien au delà, presque jusqu'aux rochers. Il se posa une première fois puis quelques soubresauts lui permirent d'arriver juste à côté des rochers, non loin de l'eau. Là il se posa définitivement, épuisé, dans d'immenses éclats de sable. Il ne pouvait plus bouger. Il ne l'avait pas dit à ses compagnons, mais c'était la première fois qu'il effectuait un aussi long trajet.
Ils restèrent un long moment immobiles, saoulés et légèrement ensablés. Le chapeau se laissa glisser du matelas, le caramel, quant à lui, resta littéralement scotché. Après un rapide désablage, le chapeau retrouva promptement son éloquence, sans savoir si le matelas l'entendait encore...
- Eh bien... voilà une bonne chose de faite ! Mais... nous nous retrouvons plus loin que prévu, c'est étrange. Comment as tu fait pour nous porter jusqu'ici? Alors, répondez-moi !?
Le caramel avait tellement peur qu'il n'arrivait plus à articuler aucun mot, le matelas quant à lui devait son silence à son épuisement. Ils étaient donc arrivés à destination, sans comprendre vraiment comment ils avaient fait. C'était la première fois que le caramel voyait des rochers d'aussi près, il était tétanisé.

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