vendredi 5 juin 2009

Episode 73

Ils entrèrent alors tous deux dans une profonde intimité, que rien n’aurait pu troubler. Le chapeau était aux anges d’être aussi proche d’elle, physiquement et mentalement. Il fit défiler avec délice les différents tableaux du bonheur d’Hadrien. Hadrien était grand, très blond et très silencieux. Sa rencontre avec Cléophée. Les nuits blanches qu’ils avaient passées ensembles à regarder les étoiles. Les histoires qu’il lui racontait, comme à une enfant, pour qu’elle trouve le sommeil. Les fous rires qu’ils camouflaient lorsqu’ils tentaient tous deux d’échapper aux Virtua-cops. Les pleurs qu’il avait versés quand il avait appris qu’elle était enceinte. La ville qu’il avait allumée, simplement par sa force mentale, une nuit mémorable, pour lui prouver son amour. Ces souvenirs caracolaient dans l’esprit unique que constituaient le chapeau et L’Insoumise.

Hadrien l’appelait la fée, la fée Cléophée. Elle n’aimait pas trop ce surnom. Et pourtant, c’est lorsque ce souvenir lui revint que des larmes se libérèrent de ses yeux. La fée Cléophée… le jeu de mots était ridicule, mais son souvenir était un insupportable bonheur.

Le chapeau fit abstraction des pleurs, qui risquaient de le couper court dans son opération.

Il se contentait de restituer, inlassablement, le sourire et le soupir languissant d’Hadrien lorsqu’il interpellait la femme qu’il aimait.


Ces moments de bonheur étaient tellement lointains, tellement impossibles aujourd’hui, que le chapeau en ressentit un léger malaise. Il avait lui aussi envie de pleurer. Tant pis, il continuait, poussé malgré lui par un sentiment qu’il n’avait pas le droit d’éprouver.


Le chat, de ses deux fentes vertes, observait le manège en ronronnant. Le caramel restait prostré contre les livres, imperméable à ce qui se passait.


Ils restèrent une éternité ainsi, jusqu’à ce que le jour se couche. Une après-midi de souvenirs heureux : il y a des vies qui ne tiennent qu’avec ça…


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